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L’immigration vue par Nicolas Sarkozy

Publie le jeudi 7 juillet 2005 par Open-Publishing

Les déclarations du Ministre de l’Intérieur français à l’occasion du G5 vont réjouir les Européens frileux : « Tous ensemble, les pays européens, les cinq grands, on va organiser des avions pour rapatrier chez eux des immigrés en situation clandestine, en Angleterre, en Espagne, en Allemagne, en France et en Italie », nous annonce Nicolas Sarkozy. En quelques mots tout est dit : en langage enfantin, cela donne à peu près : « N’ayez pas peur, petits peuples, vos grands frères vont leur faire voir de quel bois ils se chauffent ! ». En termes d’adultes, c’est l’image de l’union sacrée de la Légalité contre l’Illégalité, sans préciser que la plupart des illégaux le sont devenus à la suite du rejet de leur demande d’asile... Troisième version du message, en langage clair cette fois : « Nous avons contribué à appauvrir les pays du sud ; réduits à la misère, les gens du sud sont venus frapper à nos portes ; nous avons refusé de les accueillir et nous leur avons collé l’étiquette "Illégaux" sur le front ; maintenant, nous les renvoyons - en avion s’il vous plaît ! - à leur misère et à leur désespoir. »

Loin de toute honte face à cette situation, Mr Sarkozy s’en félicite : « Cette année, on sera aux alentours de 25 000 expulsions, c’est 50% de plus que l’an passé. » : le plus petit des cinq grands frères roule des mécaniques !

Pour faire bonne mesure, il en appelle aux droits de l’homme : le regroupement familial sera maintenu car « le droit de faire venir sa famille est un droit fondamental » ; mais attention ! pas n’importe quelles familles ! Celles qu’on crée à peine arrivé sur le territoire français sont éminemment suspectes, et Nicolas Sarkozy fera la chasse aux "abus" ! Mais tant qu’à évoquer les droits fondamentaux, pourquoi ne pas épingler ces deux-ci : « Tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne. » et « Toute personne a le droit de circuler librement et de choisir sa résidence à l’intérieur d’un Etat. Toute personne a le droit de quitter tout pays, y compris le sien, et de revenir dans son pays. » Il n’est pas inutile de rappeler que le manque de liberté et le manque de sécurité (y compris alimentaire) sont à l’origine de toutes les migrations, et que la" libre circulation" ne se limite pas aux capitaux et aux marchandises...

« Je souhaite donc chaque année un débat devant le Parlement, où le gouvernement viendrait expliquer, catégorie d’immigration par catégorie d’immigration, quels sont ses objectifs... Pourquoi ? Parce que nous voulons les meilleurs étudiants du monde et pas ceux dont personne ne veut. Il est quand même plus logique qu’on accepte les étrangers pour qui nous avons un travail et un logement. »

Trois idées se dissimulent derrière ces déclarations qui semblent marquées au coin du bon sens : 1° les catégories d’immigration représentent évidemment les quotas de travailleurs dont la France a besoin pour faire tourner son économie, et pour ceux-là les logements sont déjà prêts - peut-être aussi les épouses ? 2° les étudiants étrangers doivent contribuer à faire de l’Union européenne « la société de la connaissance la plus compétitive du monde », comme l’a décidé le Conseil européen de Bruxelles en 2003 ; 3° mais actuellement le Tiers Monde ne nous enverrait que ses rebuts, de pauvres types qui paralysent notre croissance au lieu de la doper, comme les "bonnes" catégories d’immigration.

Ici, on pourrait s’arrêter quelques instants et réfléchir avec Monsieur Sarkozy : la fuite des cerveaux, ça vous dit quelque chose ? Est-il judicieux de vider l’Afrique et l’Europe de l’Est de leurs travailleurs les plus compétents pour les utiliser chez nous ?... Et si on renversait la donne ? Imaginons que l’U.E. se veuille au contraire la société de la connaissance la plus coopérative du monde : elle accueillerait les migrants désireux de se former dans ses écoles et dans ses universités ; munis d’un bon diplôme, ceux qui voudraient rester resteraient, mais un plan d’aide au retour serait mis en place pour ceux qui décideraient de retourner dans leur pays et d’y créer leur emploi. Ainsi les droits fondamentaux de la personne, évoqués plus haut, seraient-ils parfaitement respectés...

« La double faute de la France » (et des autres Etats européens), ce n’est pas seulement le racisme et le manque de fermeté avoués par Nicolas Sarkozy, c’est peut-être de reprocher aux autres leur non respect des droits humains quand on les viole allègrement soi-même ; c’est aussi l’absence de vision à long terme, qui fait qu’on se débarrasse d’êtres humains dans des charters sans se demander quel est leur avenir individuel et quel pourrait être notre avenir commun...

Marie-Noëlle Leloup

Collectif de Verviers pour le respect du droit d’asile