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Une lueur d’espoir

Publie le jeudi 17 novembre 2005 par Open-Publishing

n°11 nov 2005

Edité par l’AGEN
Association Générale des Etudiants de Nanterre.
www.agen-nanterre.net
contact@agen-nanterre.net

NON AUX EXPULSIONS !
UN LOGEMENT POUR TOUS ! Témoignages de 3 étudiants p.2

REVOLTE DES QUARTIERS POPULAIRES
Une lueur d’espoir p.3
Clichy- sous -bois, la cerise sur le ghetto p.5
Tribune libre : « Ils sont entrés en politique » par F. Blum p.7

LA CARAVANE DES DAMNES DE LA TERRE
Ceuta, Melilla et L’Europe impérialiste p.8

Non aux expulsions à la cité-U de Nanterre !
Un logement pour tous !

Sur l’académie de Versailles, les réhabilitations se traduisent par une diminution des chambres sociales pour les étudiants et par des mesures d’expulsion par voie de justice. Actuellement 5 résidents menacés d’expulsion, des dizaines de non-réadmis et des étudiants sans logement se battent pour leur droit au logement. Le collectif de défense du logement social étudiant (CDLSE) créé le 26 octobre 2005, a lancé la mo-bilisation et la défense légale des étudiants menacés. Nous avons obtenu un report du pro-cès pour le 14 décembre qui sera un jour impor-tant de mobilisation.

TEMOIGNAGES Suite

Abdel, étudiant en STPI (suite de la 1e p.)
Nous avons demandé que les poursuites soient levées mais rien n’y fait. En fait, à l’origine de ma situation, il y a une erreur à la Kafka : un responsable du CROUS de Nanterre affirme qu’il avait enregistré un retard de paiement de trois mois et enclenché une procédure « automatique » le 10 avril 2005. Il se trouve que le 13 avril 2005 j’ai réglé ces trois mois plus six mois d’avance. Aujourd’hui, on m’explique que la procédure d’expulsion est irrémédiable car elle est informatisée. Pourtant quand on saisit un tribunal on peut toujours retirer sa plainte. On peut se demander aussi si il est légitime que le social soit géré par des logiciels et que le service social n’ait pas son mot à dire. »

Aliou étudiant à Nanterre, victime d’un bug ou de l’administration ?
« Je dispose d’un logement social étudiant octroyé par le Crous depuis un an. Conformément à la procédure en vigueur, j’ai fait la saisie Internet de réadmission, mais suite à un bug informatique ma demande a été invalidée. Le refus est sans aucun fondement. Je remplis toutes les conditions et je suis à jour de mon loyer. Malgré tout, les recours entamés n’ont rien donné. Aujourd’hui j’ai en ma possession une lettre de l’administration qui m’invite à me présenter aux bureaux de la résidence afin de régler les modalités de départ. »

Baptiste étudiant à Nanterre
La faillite des services sociaux

Je viens d’arriver de Suisse pour entamer des études en France. Je suis actuellement sans logement suite à une rup-ture familiale et je me loge en comptant sur des amis car au-cune de mes demandes n’a pu aboutir. Les réponses du Crous ont été des mises en garde. Ils m’ont dit que si je dor-mais dans la rue je devais faire attention à la prostitution ! Ensuite j’y suis retourné on m’a conseillé de ne pas participer aux émeutes ! Plutôt que de répondre à ma situation déjà difficile, on m’enfonce.

Rejoignez le Comité de défense du logement social étudiant
cdlse@hotmail.com 06 21 41 35 84

REVOLTE DES QUARTIERS POPULAIRES
Une lueur d’espoir

Après 12 jours d’émeutes : l’état d’urgence

Mercredi 9 novembre 2005, par voie de décret, le premier ministre Villepin a déclaré l’état d’urgence en France. Cette mesure risque d’être prorogée.

Le texte de loi réactivé est celui du 3 avril 1955 modifié par l’ordonnance du 15 avril 1960.

Ce texte permet entre autre au préfet de décréter des couvre-feux, d’assigner à résidence, de contrôler la presse et les médias, de fermer des salles de réunions, de perquisitionner le jour comme la nuit.

Il s’agit d’une loi coloniale utili-sée historiquement contre les insurgés algériens dans les années 60 et pour mater le soulèvement kanak dans les années 80. Il faut le dire et le répéter, il s’agit donc d’une loi de guerre, édictée à l’encontre de populations colonisées, lorsque l’Etat impérialiste fran-çais jette par dessus bord les sacro-saints principes de la démocratie bourgeoise. Ce gouvernement indique par ses actions mêmes qu’il existe une continuité entre le colonisé et la jeunesse populaire qui se ré-volte.

Ainsi, en quelques mois, une loi négationniste qui exige que les manuels scolaires ensei-gnent à la jeunesse de France « le rôle positif » de la coloni-sation française et qui réhabilite les fascistes de l’OAS (loi du 23 février 2005) se voit parache-vée par un expérience in vivo dans les rues de France.

Les propositions d’appren-tissage à 14 ans et de bourses au mérite ne peuvent que ren-forcer une sélection déjà féroce.

L’AGEN affirme que la crise sociale et politique en France prend la forme d’une fascisation ouverte. Il n’est nul besoin pour la bourgeoisie de faire appel à ses supplétifs attardés de l’extrême droite. Elle porte en elle-même la capacité de faire le sale boulot. Il suffit pour cela que la jeunesse populaire réclame vérité et justice suite à la mort provoquée de deux jeunes pour que la panique répressive s’empare du pou-voir.

Inverser bourreaux et victimes

De son côté, le premier flic de France, l’étroit et arrogant Sarkozy concluait l’intervention à l’assemblée nationale le 9/11/2005 en ces termes « ce sera la force de la République contre la force des gangs ». Apparemment, à en croire les « intègres » responsables poli-tiques, une mafia du deal et de l’intégrisme lancerait ses batail-lons d’émeutiers contre la « démocratie » française. Pour conjurer le péril, tous les moyens sont devenus bons, y compris les bobards les plus creux. Certes, Il est plus facile de criminaliser la jeunesse déshéritée que de s’en prendre à ses amis, voyous en col blanc, qui détournent les mar-chés d’Ile de France, licencient, délocalisent et amassent des fortunes pour bons et loyaux services rendus au capitalisme français.

Jeter de la poudre aux yeux sur les raisons profondes et présentes de la colère semble s’ériger en sport national.
Quelques extraits :
« C’est organisé, ce sont des dealers qui défendent leurs territoires » (Eric Raoult)
« Il n’y a pas de responsabilité de la police » (ministère de l’intérieur et syndicats de po-lice)
« il s’agit d’une guerre ethnique et religieuse » (Villiers)
« Le chômage et la précarité n’ont rien à voir, la violence est gratuite » (Charles Pellegrini, ancien directeur de la répres-sion du banditisme).
Bref, les révoltés ne font ni par-tie des luttes sociales ni d’une jeunesse dont on peut se soli-dariser, ce sont des parias qui doivent le rester. Il y a là une volonté manifeste de retourner les responsabilités et de diviser dont on ne peut être dupes.

Le sang des pauvres : un massacre ordinaire

Entre bourrage de crâne, utili-sation des peurs et des divi-sions au sein des masses populaires le pouvoir tente de faire oublier ses agissements qui sont pourtant à l’origine immédiate des émeutes.
Le gouvernement a multiplié les mesures contre les plus démunis. En réponse aux incendies meurtriers des taudis parisiens qui ont fait plus de 50 victimes, Sarkozy ordonne l’expulsion des mal-logés et demande au pied de l’immeuble encore fumant si ces « gens là » ont leurs papiers. Les rafles de sans-papiers deviennent massives, ainsi que les contrôles au faciès, même les enfants sont visés (ce sera la situation d’un des jeunes de Clichy sous bois)
D’autre part, les descentes mé-diatiques et les provocations de Sarkozy ne doivent pas faire l’illusion d’une exception car il y a un consensus droite-gauche sur la question sécuritaire. N’oublions pas ce que disait en 2004 le PS Malek Boutih, ex-président de SOS-Racisme : « il faut remettre la police au travail, ce sont les racailles qui tuent le plus dans les quartiers ». La police peut alors appliquer la peine de mort pour les pauvres en particulier basanés, pour une attitude, une incivilité un « refus d’obtempérer ». Nous renvoyons à l’article sur Clichy-sous-bois pour la suite qui semble piteusement logique. La répression s’amplifie mais les émeutes montrent les limites et les fai-blesses d’un système qui doit déclarer la guerre à une partie de sa population.

Chacun est invité à redécouvrir le « mal-être » des banlieues pour la trentième année consécutive. Pourtant Il n’y a pas de mystère des quartiers populaires. Etre pris en étau par le seuil de pauvreté et les politiques patronales c’est le « secret » des maux sociaux pour des millions d’êtres qui font partie du prolétariat en France.
C’est sur cette misère que fleurissent bon nombre d’opportunistes qui récupèrent les fonds du statu quo.
Les élites bourgeoises ne laisseront jamais les déshérités accéder au pouvoir. Tout au plus une infime portion peut grimper sur le dos des autres au prix de son alignement. En d’autres termes, ceux qui spéculent sur une sortie de crise à l’intérieur du système existant sont en train de creuser leurs propres tombeaux ou de trahir. Face aux pacificateurs de tout acabit nous rappelons que tout changement historique significatif s’est accompli par la force. Enfin, cette force, issue de mul-tiples luttes, doit représenter les intérêts de toutes les masses populaires.

L’absence d’une voie révolutionnaire qui organise les opprimés de ce pays est cruellement ressentie aujourd’hui. Rien ne dit que cette situation perdurera. La révolte allume une lueur d’espoir.

Clichy sous bois : la cerise sur le ghetto

Mort
C’est la peine infligée à deux adolescents, électrocutés en échappant à un contrôle de police aussi vexatoire qu’inutile parce qu’ils n’avaient pas leurs papiers.

Mensonge
C’est le traitement que l’on réserve aux victimes des abus de la police, les humiliant jusque dans leurs tombes.

Provocation
C’est l’attitude de la soldatesque sarkozyste, gazant une mosquée et ses fidèles en pleine prière, tabassant des jeunes, des femmes et des hommes dont le seul crime était d’être sur place, poursuivant les gens jusque dans les cages d’escaliers

Emeute
La colère populaire se fait entendre, la jeunesse est dans la rue, et applique son droit imprescriptible à l’insurrection.

Clichy-sous-Bois Pour avoir voulu fuir 4 heures de garde à vue, l’humiliation et les coups, 2 jeunes adolescents sont morts électrocutés dans un transformateur EDF. Un autre, en cours de régularisation, est grièvement blessé.
Humiliés jusque dans leurs tombes, Zyad et Bounna, 17 et 15 ans, sont immédiatement accusés d’avoir commis un vol, avec une dizaine d’autres amis, sur un chantier. Faux. Finalement tout le monde reconnaît qu’il n’y eut aucun vol.
La police se dédouane de toute responsabilité, affirmant qu’il n’y aurait jamais eu de course-poursuite, qu’il ne s’agissait que d’un simple contrôle d’identité. Que dire des autres jeunes interpellés, remis une heure plus tard à leurs parents, preuve de leur innocence.
Le témoignage de Metin, seul survivant de l’électrocution, en cours de régularisation, est crucial. Il affirme clairement qu’ils étaient poursuivis par les forces de « l’ordre ».

Antoine Gerba, professeur d’Histoire Géographie à Clichy-sous-Bois, qui a suivi de près le déroulement des évènements. Il est averti le dimanche 29 octobre au soir de l’agression à la grenade lacrymogène de la mosquée Bilal, fréquenté ce soir là par 1200 à 1300 fidèles. La police, une fois de plus, se dédouane en affir-mant que le modèle de grenade utilisé ne correspond pas à celui des forces de l’ « ordre ». Démenti par Sarkozy lui-même, il s’agissait bien d’une grenade utilisée par les CRS. Le premier flic de France, pourtant, féli-cite ses troupes pour leur « professionnalisme », et leurs « compétences ». Ces deux évènements, à
l’origine des émeutes populaire des jeunes de Clichy-sous-Bois, ne sont que les déclencheurs d’une colère des habitants des quartiers populaires.
La gestion néo-coloniale des quartiers dits sensibles, par une politique gouvernementale abandonnant toute analyse sociale et employant la répression pour seule solution aux problèmes populaires, est à l’origine d’une haine légitime, envers les institutions, des jeunes laissés-pour-compte d’une société française racisante. Preuve en est de la manipulation des jeunes, appelés à rester cal-mes, par des institutions religieuses et des associa-tions de quartiers à la solde des autorités illégitimes. Cette méthode inspirée de l’ère coloniale et appliquée aux nouveaux indigènes sociaux que sont les habitants des quartiers populaires, s’est heureusement avérée relativement inefficace, les émeutes s’étendant comme une traînée de poudre à plusieurs villes de France.

« On comprend mais cela pourrait être plus propre et plus ciblé ». Nous ne partageons pas ce refrain qui sonne donneurs de leçons à bon compte. Il y a toujours des actions regrettables voire suspectes dans une émeute mais le vrai problème est ailleurs.

Ce que nous partageons c’est la conviction que des Minguettes en 1981 à Clichy-sous-bois en 2005 le combat contre l’injustice est le même. Les bavures policières, l’impunité, la misère qui sévit parmi les masses en France n’est pas une question réglée et la braise couve à chaque instant sous les cendres de la pacification.

Nous ne pleurons pas les vitrines, les entrepôts, les commissariats attaqués et les dégâts matériels que nous distinguons des quelques biens détruits des habitants pauvres de quartiers populaires. Notre sympathie va d’abord aux familles des victimes à Clichy-sous-bois ou à Stains. Nous pensons aussi aux victimes de la violence d’Etat et à tous ceux qui sont actuellement arrêtés.
L’heure n’est plus aux négociations et à la mendicité (n’utilisons pas là le mot « revendication », qui en serait décontenancé). Malheureusement, la lutte par tous les moyens nécessaires est désormais le seul moyen d’attirer l’attention de l’opinion publique et du peuple français, et non des autorités publi-ques, sur la misère sociale honteusement organi-sée et exploitée par le gouvernement pour asservir une population condamnée à n’avoir que sa force de travail à offrir dans des conditions de plus en plus dégradées.

Appuyés par les médias dominants, véritables relais de propagande gouvernementale, malgré le semblant de critique qui se veut preuve d’une indépendance d’information, la soldatesque sarkozyste humilie, viole, et tue les habitants des quartiers populaires, laissés à l’abandon depuis des décennies, et sans cesse pointés du doigt, et ce, de ses banlieues aux frontières de l’Europe. La police, de mieux en mieux équipée, se voit dotée d’armes et du droit de tuer sous prétexte d’une menace. Il suffit désormais d’être basané ou paré d’un couvre-chef orné d’un crocodile pour être tiré comme un lapin. Voilà ce qu’est l’incarnation de la peur, comme en atteste une vidéo prise par un habitant, et disponible sur internet ( www.afrik.com ), où des jeunes sont pris en chasse, provoqués et traités de « bâtards », du seul fait de leur présence.
Ne réclamons plus nos droits, exigeons les, par tous les moyens nécessaires.

Vérité et justice sur les événements de Clichy-sous-bois !
Libération des centaines de jeunes arrêtés !
Non à l’impunité policière !
Arrêt du dispositif punitif en cours dans les quartiers populaires !
Abrogation des lois sécuritaires de droite et de gauche !

Tribune libre

Nous publions ici le beau texte d’une des rares personnalités du monde intellectuel qui prend clairement et courageusement position en faveur d’une jeunesse opprimée et de sa révolte. Elle pointe aussi du doigt ce qui apparaît comme la trahison morale et politi-que d’intellectuels devenus des chiens de garde de l’inégalité sociale mais surtout, cette déclaration, parue dans Le Monde, redonne aux émeutes leur contenu politique à l’heure où d’aucuns n’y voient qu’un défoulement délictueux.

Ils sont entrés en politique,
par Françoise Blum

Il fut un temps, qui n’est pas si lointain, où l’identifi-cation à l’opprimé était le mode d’être d’une génération, un temps où nous étions tous des juifs allemands.
Je persiste à croire, à tort me diront certains, que cette identification-là donnait comme un supplément d’âme.
Avec les jeunes des banlieues rien de tel appa-remment. Au mieux, on comprend leurs frustrations, au pire on en a peur. Au mieux, on leur reconnaît le droit à manifester leur colère, mais on trouve qu’ils expriment ce droit de façon irresponsable. Au pire, on voit derrière leur révolte l’ombre des imams.
Pourquoi ne pas reconnaître tout simplement qu’en ce moment, et de la seule façon sans doute qui puisse porter, la façon médiatique, ces jeunes, pour la première fois occupent un espace qui leur était inconnu, inaccessible, étranger ou interdit, l’espace du politique. Ils sont entrés en politique, ceux-là mêmes dont on dit qu’ils ne votent pas, qu’ils se désintéressent de la chose publique. Sous le poids de l’insulte, d’autant plus grave peut-être qu’on leur renvoyait à la figure leurs propres mots, ces mots dont on prétend les guérir pour mieux les intégrer, ils ont découvert leur force.
Ils ont découvert un pouvoir qu’ils n’avaient jamais eu l’occasion de manifester. Ils sont en train de faire vaciller un ministre que d’au-cuns voyaient déjà président de la République. Ils sont en train de montrer qu’ils existent et que peut-être après tout cette République qui se veut égalitaire et universelle, ils peuvent eux aussi contribuer à la transformer.
En un mot, ils sont de-venus en quelques heures et quelques soirées d’incendies des acteurs, des acteurs de cet espace public qu’on leur recommandait d’intégrer tout en leur en déniant l’accès.
La rue, lieu d’errance et de désoeuvrement, est devenue pour eux un lieu de manifestation. Et qu’on ne s’étonne pas qu’ils ne défilent pas de la République, à la Bastille, infidèles en cela à une tradition et une mémoire qui n’est pas la leur. Paris n’est pas leur territoire et si les étudiants de mai 1968 incendiaient les voitures du boulevard Saint-Germain, en un temps rappelons-le où les voitures étaient plus rares et plus chères, c’étaient aussi celles de leurs parents.
Autres temps, autres moeurs : ceux qui récusaient la société de consommation en ces jours heureux des "trente glorieuses" ont malgré tout à voir avec ceux qui rêvent de l’intégrer. Ils demandent du respect. Les uns subissaient le poids d’une société répressive et dénonçaient le racisme anti-jeune. Les autres subissent le poids d’une société qui en fait des êtres de seconde zone, qui les marginalise et les méprise, qui les écrase sous les contrôles de police et fait de la couleur de leur peau, de leurs noms et leurs prénoms un véritable handicap social. Et que serait leur colère sans les incendies de voitures ? Les télévisions du monde entier se seraient-elles alors déplacées ? Que fallait-il qu’ils fassent : qu’ils déposent une pétition au Palais-Bourbon ?

Les moyens qu’ils utilisent sont sans doute les seuls efficaces en ces temps où les médias font et défont l’actualité. Combien de grèves ouvrières ont récemment en-core été projetées sur la scène publique du seul fait de leur usage de menaces criminelles. Osons le mot, ces émeutes, révoltes, flambées de colère, violences, la gamme sémantique est large, sont un mouvement social. Il ne s’agit pas d’une révolte ouvrière mais de celle d’enfants de la classe ouvrière. Les buts ? Au moins le respect, et au plus l’intégration. Le projet politique ? La lutte contre le chômage, contre la précarité. Ils demandent aussi la démission d’un ministre de l’inté-rieur, comme on a pu demander, en d’autres temps, celle d’un Marcelin. Et on a envie de dire haut et fort : bravo à tous ceux qui, à force de mépris, ont pu aider à l’émergence d’un nouvel acteur collectif.
Et un nouvel acteur collectif, dans une France engluée dans ses querelles de chapelle et ses peurs de l’ave-nir, n’est-ce pas une chance ?

Françoise Blum, historienne et ingénieur au CNRS article paru dans Le Monde du 11 Novembre 2005.

Caravane des damnés de la terre

Les frontières de l’Europe se dessinent dans le sang

Nos frères africains criblés de balles à Ceuta et Melilla, ou déshabillés, déchaussés et envoyés mourir sans eau dans le désert de Bechar nous rappellent à l’ordre.
Que faisons-nous pour stopper l’extermination ? Les frontières sont aussi celles de la société française, qu’elles passent à Clichy sous Bois ou, plus imperceptiblement, dans l’exploitation quotidienne.
Comment réagissons-nous ? Doit-on être soi-même miséreux pour combattre les causes de la misère ? La contestation ne doit plus être stérile et partielle malgré des années de faux-semblants.
Nous savons de longue date ce qui est en cause. Il s’agit d’un système politique et d’exploitation qui jette en pâture les pauvres d’Afrique, d’Europe et du monde. Tant que l’on ne saisira pas la question à la racine, la destruction humaine ira de l’avant. La gestion de la main-d’œuvre est militarisée créant des conditions de vie et de travail dont pâtissent tous les damnés de la terre qu’ils soient d’ici ou d’ailleurs.
D’un côté l’Europe des capitalistes fournit 40 millions d’euros au Maroc pour surveiller ses frontières et chasser ceux qui veulent survivre. De l’autre, Ses notables viennent en Afrique étaler leur surplus et gâcher des ressources lors de loisirs luxueux dans le plus pur style colonial. En retour, les exécu-tants africains siphonnent les richesses et les capitaux de leurs pays pour les placer au Nord. Pillée de part en part, l’Afrique, ne peut être libre, construire ses moyens d’existence, si elle ne rompt pas fermement avec cette mécanique infer-nale. L’impérialisme européen et ses valets locaux doivent être mis à bas comme préalable à toute société viable.
La caravane des damnés de la terre se positionne clairement. Nous combattons pour la libération immédiate des sans -papiers jetés par milliers dans les centres de rétention.
Ce ne sont pas eux les criminels mais ceux qui les parquent et les déportent.
Les rafles actuelles, à la sauce démagogique de Sarkozy, sèment la peur chez les uns et serve les intérêts électoralistes des autres. Avec des centaines de milliers de sans-papiers, la France organise sciemment son esclavage salarial entrecou-pé de raids de terreur. Nous ne sommes pas dupes.
Chacun est dans son rôle. Pour y voir clair il faut se démarquer de tous les faux amis qui mènent le bal des hypocrites.
« Le bain de sang que vient de prendre le peuple de Paris, était peut-être d’une horrible nécessité pour calmer quelques unes de ces fièvres. Vous le verrez maintenant grandir en sagesse et en splendeur ». Voilà les paroles d’un écrivain, loué comme ami des pauvres, qui applaudissait au massacre des insurgés de la Commune.
Les charlatans sociaux, admirateurs de grande saignée, ont-ils disparu ?
Nous ne le pensons pas. Le porte-parole du P.S français, le sinistre Julien Dray, a poussé sa voix dans le concert des nantis « il faut juguler le flux de candidats à l’exil vers l’Union européenne ». Jugulés par les balles des mercenaires, noyés, brûlés, raflés, expulsés, aucune méthode ne semble assez indigne pour le « partenariat », le pacte de la mort, entre l’Europe capitaliste et les régimes africains corrompus jusqu’à la moelle.
De notre côté nous pensons qu’il existe encore suffisamment d’hommes et de femmes épris de justice pour faire face avec clairvoyance et pour se regrouper autour de la caravane des damnés de la terre.

1er novembre 2005