En matière de capitalisme, il ne faudrait pas faire comme si la démesure actuelle datait de la veille au soir.

Des historiens vous diront que dans les années 1930, il fallait 4200 Milliards de Marks Allemands pour acheter un seul dollar.

Mais la mesure aussi peut être intéressante, même si c’est moins vendeur.

Par exemple, je me suis demandé très longtemps l’origine de l’expression « On n’est pas aux pièces » qu’employait mon père pour exprimer le fait qu’il ne fallait pas trop le presser d’aller trop vite.

Je me disais, mais de quelle pièce s’agit-il ?

En fait cette expression datait de l’époque où les ouvriers étaient littéralement payés « à la pièce », c’est à dire au nombre d’objets manufacturés fournis par jour.

Autant dire que pour payer son pain il fallait produire pas mal de pièces.

Cela a disparu avec le salaire quotidien, puis hebdomadaire, et enfin mensuel, par la force des syndicats qui dénonçaient les cadences infernales, c’était il y a plus d’un siècle.

Mais au 19eme siècle, les écrivains aussi étaient payés aux mots.

C’est pour ça que Balzac était si dépendant du café (ou autres substances).
Pour produire ses pavés de plusieurs centaines de pages, il devait sacrifier son sommeil.

C’est très normal que cela nous paraisse incompréhensible, à notre époque où il suffit qu’un trader appuie sur la touche « ENTER » de son ordinateur pour fermer ou ouvrir une usine de centaines de travailleurs.

Je me demande, à notre époque, quel critique de littérature va se farcir 700 pages avant de pondre un article soit positif, soit négatif.

Je suis à peu près sûr qu’il existe déjà des logiciels pour résumé un roman, en extraire les mots clés, et ainsi facilité le travail du critique.

J’étais né quand la baguette était à deux francs, c’est à dire environ 30 centimes d’Euro.

Contrairement à un livre de 700 pages, chaque baguette doit être construite pour être mangée dans les deux ou trois jours qui suivent.

Alors que par exemple, la Bible, elle est unique, et consommable sur au moins deux milles ans.

Si je raconte ça, c’est à cause de cette histoire énervante des NFT (Non Fongible Token, et pour la traduction française, je dirais « Machin non reproductible à l’identique »).

C’est une connerie, évidemment, mais je n’ai pas envie de perdre mon temps précieux pour vous convaincre que depuis longtemps le vent est plus cher que le pain.

Non seulement on n’est plus aux pièces, mais on n’est plus non plus à l’usine, et c’est limite si on peut rester à la maison.

Mais gardez ceci en mémoire : 4200 Milliards de Marks pour un dollar.

Et après les capitalistes veulent qu’on les prennent au sérieux...