Bellaciao
Kamel Daoud : Le prix de la trahison
Lors de la publication du livre de Kamel Daoud "Meurseault contre-enquête", nous avons été quelques-unes à penser que l’idée du roman était très originale, voire décoloniale.
Dans la mesure où il réhabilitait, humanisait cet étrange Etranger « dessiné » par le célèbre Albert Camus, mais qui nous laissait à nous, mes amies et moi, un goût amer. Une ombre, sans père ni mère, sans filiation, absent de l’histoire singulière et de l’histoire collective. En fait, la lecture, une odeur planait en l’air, notre propre histoire d’indigènes.
Et voilà que Meurseault contre-enquête fait en quelque sorte œuvre d’historien et nous répare en nous inscrivant dans l’Histoire. Désormais l’Etranger est l’un des nôtres, il a un nom, des amis, il est réhabilité, et en quelque sorte, nous aussi. Après cette lecture et ce qu’elle a réveillé en nous, nous apprendrons que l’auteur a été islamiste. Notre réflexion était : il était jeune et de nombreux jeunes algériens ont été endoctrinés et suivi le sillage du FIS. Mais il a changé (...)
Rappel
Durant les célébrations du Nouvel An le 31 décembre 2015, une vague d’agressions sexuelles collectives, de vols, de braquages et au moins deux cas de viol – tous dirigés contre des femmes – est rapportée à travers l’Allemagne, principalement à Cologne. Et ne voilà-t-il pas que notre célèbre écrivain se fend d’un article retentissant, avant même que les autorités allemandes ne désignent le/les coupable(s), lui sait : ce sont des musulmans sexuellement frustrés, sexistes, ils ne pourront jamais, malgré leur intégration dans les pays occidentaux, « se civiliser », être délivrés de leurs fantasmes construits par une culture – entendre l’islam – réfractaire à toute notion de liberté. Et voilà notre écrivain sur une rampe de lancement : plateau de télévision pour dire tout le mal des barbares que nous sommes. Plus récemment, avant le prix Goncourt, nous l’avons vu exhibé, parce qu’il a été exhibé, par toutes les chaînes de télévision mainstream, pour défendre le droit d’Israël à se défendre, à dénoncer le hamas de terroriste islamiste. Le génocide, l’urbicide, la famine… Israël doit se défendre.
Prix à payer pour obtenir le Goncourt !
Une fois au fait de l’histoire de Saada, nous nous sommes dit, pour l’histoire de notre pays, pour les femmes victimes de terrorisme, il nous faut en dire quelque chose. Saada fait partie de ces milliers de femmes, blessées, assassinées, violées par les hordes terroristes. Nous avons travaillé avec les survivantes et nous avons côtoyé l’horreur, la terreur. Saada fait partie de ces femmes, elle n’oubliera pas. Le traumatisme s’implante en vous, dans votre corps et votre esprit et ne vous laisse jamais de répit. Il structure votre vie. Ces femmes, les sœurs de Saada, nous les avons rencontrées, écoutées, accompagnées pendant de très longues années. Certaines, des survivantes, sont encore habitées par le traumatisme.
Elles reviennent nous voir pour trouver un peu de réconfort. Si, elles, les victimes sont toujours marquées par les violences qu’elles ont subies, nous aussi en tant que militantes nous sommes restées marquées à vie par ce que nos sœurs ont vécu. Et ce qui est le plus choquant dans Houris c’est que le thérapeute, sans l’autorisation de la victime, livre le récit de Saada à son mari pour qu’il obtienne le prix Goncourt (nous savons qui délivre ce genre de prix). Ce prix a un prix : les larmes, la douleur et la souffrance de Saada. Car une grave dérive professionnelle a été commisse : l’éthique et la déontologie exigent la stricte confidentialité du professionnel. (...)
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Taisez-vous Monsieur Kamel Daoud
Pas en notre nom
Pr Chérifa Bouatta, psychothérapeute
Chérifa Kheddar, présidente de l’association Djazairouna
Mériem Belalaa, présidente de l’association SOS femmes en détresse
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